Hubs technologiques : les startuppeurs africains relèvent le défi de l’innovation

Leur sens de créativité est prodigieux au regard des contraintes liées à l’environnement numérique sur le continent. Des innovations foisonnent, les unes utiles, les autres agréables.

Sur l’une des façades du Kasarani stadium de Nairobi au Kenya, deux messages se superposent à la vue des visiteurs : The home of heroes (Le temple des héros), pour célébrer les sportifs méritants du pays, et le M-pesa, le système de transfert d’argent mobile le plus performant au monde. De manière subliminale, le M-Pesa est aussi considéré comme une partie de ce patrimoine des héros kényans. Grâce à lui, l’Afrique est aujourd’hui le leader mondial du transfert d’argent mobile. Le phénomène s’est développé dans de nombreux pays et remporte un franc succès dans les couches populaires qui ont désormais accès aux produits financiers sans avoir besoin de compte bancaire, mais uniquement de numéro de téléphone.

Même si le M-Pesa est développé au Kenya, il n’est pas une innovation proprement kényane, car il est mis en place par l’entreprise britannique Vodacom pour Safaricom, un opérateur local. Le Kenya a ses innovations numériques endogènes. Par exemple, un médecin peut procéder à l’examen de la cataracte grâce à l’application «Peek Vision» installée dans un smartphone en octobre 2013 dans une clinique du Kenya.

Les jeunes à l’avant-garde

L’éclosion du numérique se traduit en Afrique par la naissance des hubs technologiques dont sont issues des innovations prodigieuses, les unes utiles, les autres agréables et parfois les deux à la fois. A l’image de la Silicon Valley américaine, le Cameroun possède sa Silicon Mountain à Buea, dans la Région du Sud-Ouest. C’est l’antre de jeunes startuppeurs, qui y ont développé un écosystème aux résultats édifiants en termes d’innovation. C’est ici qu’est par exemple né Njorku de Churchill Mambe Nanje, qui est aujourd’hui l’un des plus grands moteurs de recherche d’emplois en Afrique. Avec plus de 50 000 visiteurs chaque semaine, le site est accessible en deux langues, le français et l’anglais, et permet de rechercher des emplois dans près d’une quinzaine de pays. Au Cameroun, on peut aussi citer Kiro’o Games conçu par Olivier Madiba « pour faire entrer l’Afrique dans l’univers du jeu vidéo ». Comment ne pas évoquer le CardioPad de Arthur Zang, qui permet de prendre les données cardiaques de patients !

Le Nigeria a son hub technologique. Le quartier de Yaba à Lagos abrite plusieurs incubateurs de start-ups. Dans le pays le plus peuplé du continent, grâce aux innovations de l’économie virtuelle développées localement, on ne se sépare plus vraiment de son téléphone portable qui offre des solutions pour presque tout. Même pour trouver du travail, comme avec l’expérience de Jobberman, une plateforme de recherche d’emploi qui compte 1,5 millions d’utilisateurs et a déjà placé plus de 70.000 personnes. Une autre application utile est le Sense Ebola Follow up, qui permet de pister les personnes contaminées.

En Côte d’Ivoire, l’innovation en vue du moment est Mikaté, développée par l’Ivoirienne Sylvie Koffi et le Congolais Shaman Dolpi. On va désormais « Mikater » pour obtenir des informations vidéo, photos ou documentaires sur un pays, un lieu, une personne en prenant juste en photo. Mais c’est l’Ivoirien Thierry N’Doufou qui a créé Qelasy, la première tablette conçue en Côte d’Ivoire, après la première tablette tactile africaine, dénommée VMK par son promoteur, le Congolais Verone Mankou. Au Sénégal voisin, la plateforme M-louma, développée par Aboubacar Sidi Sonko, fait un tabac auprès des petites exploitations agricoles qui peuvent désormais proposer leurs productions sur Internet.

Trouver des solutions aux problèmes du continent

De manière générale, l’Afrique de l’Ouest foisonne de hubs technologiques dans de nombreux pays qui affichent chacun des innovations numériques majeures. Comme cette une imprimante 3D faite à partir de composants trouvés dans des décharges. Elle a été conçue à Lomé au Togo, dans le hub technologique Woelab, espace de créativité ouvert et participatif mis en place par le chercheur en anthropologie Sénamé Koffi Agbodjinou.

Les problèmes de l’Afrique sont divers et variés et les trouvailles de ses startuppeurs sont orientés à y trouver des solutions les plus efficaces possibles au coût le plus réduits. Comme le BRCK, un petit boîtier plastique, de la taille d’une brique qui permet de se connecter à Internet avec une autonomie de 8 heures partout, dès que la zone reçoit un signal 3 G. Grâce à une carte SIM, une vingtaine d’appareils peuvent se brancher sur le réseau que ce boitier génère.

Ces succès ont surmonté plusieurs obstacles, dont les problèmes d’approvisionnement en énergie électrique, qui touchent encore la majeure partie du continent africain. Ensuite, il y a le déficit d’infrastructures numériques dans une Afrique où le haut débit est encore réservé à quelques-uns et l’Internet à une minorité. Enfin, les problèmes de financement que les innovateurs ont contourné avec le crowdfunding. Les startuppeurss africains n’en ont que plus de mérite.



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